Le 7 mars dernier, l’Europe a débuté une nouvelle phase avec l’entrée en vigueur du Digital Markets Act (DMA), une réglementation ambitieuse qui vise à rééquilibrer le pouvoir des géants du numérique, les fameux « Gatekeepers », ces gardiens des portes de l’internet. Objectif affiché : briser les monopoles et instaurer une concurrence plus juste. Les grandes plateformes sont désormais sous surveillance, et des mesures comme l’autorisation de boutiques d’applications concurrentes sur iOS ou l’interopérabilité des messageries – de WhatsApp aux solutions plus confidentielles – deviennent des réalités à envisager. Mais le chemin vers une concurrence renouvelée est semé d’embûches. Les propositions d’Apple pour ouvrir son écosystème aux concurrents sont déjà sous le feu des critiques. Et l’impact du DMA se fait particulièrement sentir dans l’hôtellerie et le tourisme, où les professionnels expriment de vives inquiétudes quant aux retombées de cette nouvelle donne réglementaire.

Comparateurs de prix en pole position

Avec l’entrée en vigueur du DMA, les comparateurs de prix gagnent en visibilité, constate Christophe Bosquet, président d’Effinity, spécialiste en acquisition digitale. Les géants du e-commerce devront désormais partager le haut de l’affiche avec ces plateformes, modifiant ainsi le jeu des marques en matière de référencement sur les moteurs de recherche. « Le DMA redistribue les cartes en forçant Google à accorder plus de visibilité aux comparateurs de prix, au détriment de son propre service Google Shopping », explique-t-il.

Pour les annonceurs, l’opportunité est de taille. « C’est une chance à saisir, mais aussi un pas vers une offre plus transparente pour le consommateur », ajoute Bosquet. Il rappelle que Google reste sous le coup d’une amende de 2,4 milliards d’euros de la Commission européenne pour ses pratiques anticoncurrentielles dans ce secteur. Cependant, le géant américain n’a pas encore dévoilé l’ensemble des ajustements qu’il envisage pour son interface, ce qui laisse entrevoir de possibles nouveautés dans les outils de recherche. Toutefois, ce coup de projecteur sur les comparateurs pourrait aussi avoir des effets secondaires indésirables. Les acteurs plus modestes, notamment les hôteliers indépendants, risquent de se retrouver relégués derrière les gros sites de comparateurs ou les OTA (Online Travel Agencies) disposant de moyens financiers conséquents pour rafler les premières places via des liens sponsorisés. Et cette compétition accrue pour la visibilité en ligne pourrait bien finir par leur coûter cher, littéralement, en commissions reversées aux intermédiaires.

Les petits hôteliers relégués au second plan

Le DMA redistribue les cartes, et ce ne sont pas les petits hôteliers qui en sortent gagnants. Désormais, ceux qui cherchent à vendre en direct se retrouvent derrière les mastodontes comme Kayak, Trivago, ou Booking, ainsi que les agences de voyages en ligne. Finie l’époque où Google pouvait avantager ses propres services dans les résultats de recherche. Une redistribution des rôles qui fait déjà sentir son impact, notamment sur les réservations hôtelières. D’ailleurs, des entreprises comme Stayforlong tirent leur épingle du jeu.

D’après Mirai, une société spécialisée dans les technologies pour hôteliers désireux de maîtriser leur stratégie de vente directe, les effets sont frappants. « Nous observons une chute de 30 % des clics, une baisse similaire des réservations et une diminution de 2,1 % des parts de marché des réservations pour les hôtels dans l’UE par rapport au reste du monde », rapporte Mirai en se basant sur les données de Google Hotel Ads, le service publicitaire de Google pour les hôtels. Face à cette situation, Mirai a même pris l’initiative d’écrire à Thierry Breton, Commissaire européen au marché intérieur, le 29 février, pour plaider une révision du DMA en raison de ses répercussions sur l’industrie hôtelière et les utilisateurs européens. « Je vais me focaliser spécifiquement sur Google et ses solutions publicitaires pour l’hôtellerie, vu leur impact crucial sur le secteur », affirme Javier Delgado Muerza, directeur général de Mirai pour l’Europe. Une bataille s’engage pour ne pas laisser les petits acteurs sur le bas-côté.

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